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1 septembre 2012 6 01 /09 /septembre /2012 21:00
Cher F...
 
Je sors de la lecture du "Jeu du Roi" profondément remué. Même si nombre d'éléments sont l'effet miroir des autres grands livres de Raspail sur la Patagonie, même si la fin évoque quelque peu ( je devrais dire : annonce) "les yeux d'Irène" (la disparition de Ségolène , Rosporden, etc ), on est là en présence d'une oeuvre forte, (forte même jusqu'à être parfois insoutenable, comme les dernières lignes, avec l'image du cadavre du rat dans le Tabernacle, seule réalité visible et pérenne), qui se situe à la fois au coeur de la Patagonie, qui prend ici une dimension mythologique, et en même temps au coeur du thème général de la Royauté dans l'oeuvre de Raspail. Oeuvre donc d'une gravité - au sens latin du terme, mais aussi au sens d'aujourd'hui - extrême, qui exclut toute échappatoire vers le pittoresque, ce pittoresque qui ne cessait pas de coller à la personnalité d'Antoine de Tounens, le réel et le transposé .
 
Ecrit peu après la révolution de 68, ce livre est aussi un Réquisitoire contre la caricature de Société surgie des bas-fonds de l'âme d'un peuple qui a vendu son âme aux Enfers. Et les passages les plus ravageurs visent l'Eglise, comme une tempête sur le détroit de Magellan, jetant bas les nouvelles idoles, même en prenant le risque de bousculer les statues les plus vénérables, prises dans cette tourmente de Jugement Dernier.
"Le Jeu du Roi" prend alors une dimension mystique, et la profondeur d'un livre pour Initiés.....
Je vous livre ces pensées à chaud, venant à peine de refermer ce livre....
Amitiés PTG

Pierre
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Merci, F.., de votre précieuse appréciation!
Je suis très impressionné par l'analyse très poussée de Philippe Hemsen, dont j'avais découvert peu avant de partir vers le Horn la signature au bas des textes remarquables figurant sur le site de Jean Raspail, lui-même construit de main de maître....Et je suis loin d'en avoir encore dégusté la riche substance !
"L'invention de la Patagonie " est une brillante étude de niveau universitaire, qui confirme mes intuitions, leur donne corps, et les prolonge dans la compréhension globale de l'oeuvre de Jean Raspail. J'y adhère avec enthousiasme. Tout au plus, maintenant que je reviens de Là-Bas, j'accorderai pour ma part, et pour ma seule perception personnelle, plus d'importance à la Patagonie Réelle ( au sens quasi maurrassien du qualificatif ), celle des Montagnes, et des îles, celle des canaux enchevêtrés et des déserts infinis, celle de la pluie et de la glace, celle qui vous prend les tripes et vous donne le vertige, qui vous écrase et en même temps vous exalte, celle que vous voulez vous approprier et à laquelle vous appartenez déjà corps et âme....Une Patagonie de Poète? Pourquoi pas ? Mais aussi un Patagonie de Géographe de sentiments qui relie la Terre à l'Esprit, la Mer à l'Eternité. On peut certes "aller en Patagonie" et passer simplement devant, la trouver "à voir" en jetant sur elle le regard d'un soudard hébété, comme ces masses de "touristes" que j'ai du côtoyer , et qui l'ont classée dans leurs albums comme des chasseurs d'agrément les volatiles qu'ils ont réussi à abattre, mais ce que je sais, c'est que je n'en suis pas revenu indemne. Je croyais être déjà "patagon" - et sans doute l'étais-je déjà un peu - mais j'ai pris cette terre en pleine face. Elle m'a transpercé de part en part. Et désormais, elle habite en moi. Pour moi, "la Désolation", "la Ultima Esperenza", "le Baia Inutile", ce ne sont pas des métaphores, en tous cas, pas seulement, mais ce sont des Lieux. J'ai entendu le chant muet des âmes se mêler au bruit des vagues, dans les ténèbres bleues de Magellan qui enveloppaient le navire dans sa descente nocturne du détroit, et j'ai vu monter leur invisible prière vers ce pan de ciel où un reste de lumière pâle flottait au-dessus du Cap Froward, comme une hostie élevée pour montrer le chemin de l'Espérance, surplombant les gouffres infernaux....Je ne puis plus me détacher de ce moment, et d'ailleurs tout en moi s'y refuserait. Mais, ce ne sont pas des espaces virtuels qui me hantent ainsi, mais des éléments ayant imprégné mes sens.
Seulement, je interroge.Non, je ne m'interroge pas. Je SAIS. Cette extase absolue, je ne l'aurais pas éprouvée, pas à un tel niveau, pas avec une telle force, et pas d'une telle nature, si je n'avais eu déjà en moi, installée à pas de loup, la Patagonie d'Orélie-Antoine et de son seul vrai successeur. La Patagonie de Raspail.
Mais peut-être, me suis-je trop livré? Nul pisco, j'en donne ma parole, n'a rafraîchi et brûlé ma gorge.....

Pierre
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S'il m'est permis, F..., de tenter une réflexion de synthèse, je dirai que je vois - Non: que je sens - 4 PATAGONIES DE RASPAIL:
 
 
- Avec LE JEU DU ROI une PATAGONIE MYSTIQUE
 
- Avec MOI ANTOINE DE TOUNENS....une PATAGONIE CHIMERIQUE
 
- Avec QUI SE SOUVIENT DES HOMMES une PATAGONIE DRAMATIQUE
 
- Avec ADIOS TIERRA DEL FUEGO une PATAGONIE HISTORIQUE...et HOMERIQUE
 
 
Liées successivement aux notions de Transcendance, de Rêve vécu, de Tragique de la Destinée, et d'Universalité d'un Message, le tout engendrant une Attitude, mi -pantomime, mi-liturgie.
 
Leur imbrication fait à la fois leur force et leur faiblesse: qu'il soit porté atteinte à l'une, et c'est l'ensemble qui est mutilé .
 
 
Pierre,
Sujet patagon
Par la Grâce de Dieu et la Bienveillance de ceux qu'Il lui a plu de voir administrer le Royaume.
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