Façon de parler. Lorsque, par l'âge, on est sorti depuis moult années du domaine professionnel et même de bien d'autres activités, on est entré dans un rythme indifférencié. Les congés, c'est du passé; et les vacances, c'est l'enfance. "Indifférencié" n'exclut pas toutefois quelques variations, en fonction du climat, et des liens avec son entourage- je préfèrerais dire : "avec les différents cercles de son entourage". Avec les amis, les authentiques amis au sens profond du terme, il n'y a guère de variations selon les époques de l'année: l'amitié vraie transcende le Silence : elle s'en accomode merveilleusement. Avec tel ami de Fac, par exemple, les mois peuvent passer sans nouvelles: il y a un fil conducteur invisible entre nous: le contact n'est jamais rompu. C'est fantastique, la Présence de l'Invisible....Mais avec les simples relations, même celles qui sont cérémonieusement qualifiées "d'amicales", un espace s'instaure au temps d'été, qui voit chacun reprendre ses occupations spécifiques. C'est alors bien plus qu'un " silence": une prise de distance.
Après ce préambule qui pourrait paraître désabusé, et qui n'est que lucide - je songe à cette exclamation vibrante de l'héroïne du " Polyeucte " de Corneille, au moment où elle vient de recevoir la lumière de la Foi, et du même coup, n'être plus " abusée" par les idoles : " Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée " , l'usage moderne ayant dénaturé le sens originel du vocable - je dois quand même dire aux quelques fidèles lecteurs, modèles de patience, la raison profonde de mon long silence sur ce blog : n'avais-je rien à dire ? C'est presque ça, sauf que c'est l'inverse: j'avais trop à dire.
Trop de choses, de vilaines, de terribles choses ont marqué cette "été meurtrier".Il y avait là matière à de multiples interventions, réactions, à un long cri, et aussi, à de nécessaires études de situation qui puissent dépasser le stade de l'éructation, de l'imprécation, qui sont surtout des défouloirs pour ceux qui les profèrent....
Il y avait aussi cette ligne de conduite qui a présidé à la création de "maltalger", et à laquelle je ne pense pas avoir dérogé, du moins consciemment: ne pas animer un nième blog encastré dans les combats, qui nous sont imposés et qu'il est de notre devoir de mener, mais par ailleurs, et de façon disciplinée.
La prolifération sans limites des diffusions de tous ordres sur internet donne le vertige, et parfois la nausée.Si discrète que soit la diffusion de maltalger, je ne voulais pas qu'elle vienne ajouter sa petite voix à la cacophonie générale. Je me suis donc contenté de suivre mes propres pas, reprenant une devise que j'avais publiée dans la revue algérianiste lors de la fin de mon mandat de président national du Cercle algérianiste : " SOLITAIRE ET SOLIDAIRE ". Et je m'y tiens.
Ce n'est donc pas parce que je ne veux pas, dans ce Blog, ajouter ma faible voix au tintamarre généralisé, que je désapprouve les actions de ceux qui , sur le devant de la scène, partagent ma vision du Monde en général, et de notre pays de France en particulier, de ce que fut la France de l'au-delà des Mers et de ce quelle est devenue aujourd'hui, à qui je suis uni par ma condition de Chrétien usque ad mortem, au milieu des turbulences qui éprouvent la Chrétienté aujourd'hui.
Mais, comment alors ne pas risquer de paraître, ne serait-ce que vis-à-vis de maints "Lucky Luke" qui tirent plus vite que leur ombre, " distancé" par rapport à toutes ces fléaux qui s'abattent sur nous, en abordant d'autres sujets ?
J'ai donc choisi le silence momentané. Et lorsqu'en cette "rentrée" publique, on assiste à ce théâtre de -mauvais- boulevard, vraiment, vraiment, on a envie de tout fermer, y compris son ordinateur.
Mais, une "petite voix" en moi, murmure que je dois poursuivre, cahin-caha, ce chemin de maltalger, et cette voix, c'est la vôtre.
Une bonne antidote à cette frénésie virtuelle de plus en plus incontrôlée ( au sens où l'on parle de perdre le contrôle de son véhicule ) est bien la Lecture. Celles des LIVRES imprimés bien sûr. Je crois qu'il y a longtemps que je n'avais pas éprouvé un telle sensation de réconfort à la simple prise en mains d'un "vrai livre"! Ouvrir un livre, c'est entrer dans une demeure qui s'ouvre à nous, accueillis par l'auteur, et qui va nous présenter tour à tour tous ses personnages, tout en nous laissant spectateurs - spectateurs et témoins - de leurs aventures. On parle souvent au cinéma de personnages "qui crèvent l'écran": on pourrait tout aussi bien dire qu'on fait nous-mêmes le trajet en sens inverse, en nous désincarnant ! ( le film "La rose pourpre du Caire", a, je crois me souvenir, traité de la question ): mais, pourquoi ne pas parler, en matière de livres, de l'entrée du lecteur dans chaque page ?
J'évoquerai ici 3 lectures de cet été, ayant chacune sous son angle un lien avec l'Algérie. Ce furent, dans l'ordre de lecture: "Le Papillon ensablé", de Maïa Alonso. Je me promets de revenir sur ce roman envoûtant, parce qu'il aborde, à travers la réalité de notre destin mutilé, le monde très peu traité, (voire, pas du tout) concernant l'empreinte de notre histoire sur les profondeurs de notre psychisme, monde de l'Etrange, de l'Invisible, de notre double , en quelques sorte. Ne serait-ce que pour cet aspect, au demeurant pas facile et pouvant déconcerter celles et ceux qui n'attendent qu'un récit linéaire et " classique" de notre destinée tronquée, Ce roman occupe une place à part, et une place de choix, dans la longue liste des oeuvres produites par des membres de notre communauté.
J'ai lu ensuite - enfin! - ayant pu le trouver sur la toile, le très émouvant récit de Mgr Jean-Yves Molinas: " D'une rive à l'autre " ( un titre qui me parle, bien sûr ! ), avec ce supplément d'effet que son auteur nous quitte pour poursuivre sa mission sacerdotale de l'autre côté de l'Atlantique Nord.
Et enfin, lecture de ces derniers jours, la réédition de " Sanguis Martyrum " de Louis Bertrand. J'avais longtemps cru qu'il s'agissait d'un livre apologétique, et donc quasiment à seul usage religieux. Quelle erreur ! Se présentant sous l'appellation de "roman", mais n'ayant du roman que la vivacité du récit, le flamboiement du style, la trame polymorphe de l'intrigue, entremêlant sentiments amoureux, histoires de famille, tableaux de la société d'alors, dans ce que par une interpolation historique qu'on voudra bien me pardonner, j'appellerai " L'Algérie Romaine", études psychologiques, analyses sociales, et évidemment, développements religieux à travers des personnages réels ou fictifs, traçant un tableau somptueux et tragiquement cruel d'un monde grouillant, en ébullition, d'où la seule sortie par le Haut est justement le martyre. Et quels descriptions des paysages ! Quel envoûtement exercé par "l'Afrique" ! ( au sens poétique du nom, à savoir: l'Algérie ). On y retrouve la verve et le feu du " Sang des Races ", et bien entendu, plus que partout ailleurs, celle du Flaubert de " Salammbo" . Prodigieux .
Je vais prendre un repos climatique attendu avec impatience sur la façade océane, en Armorique. Je serai donc silencieux pendant une bonne part du mois de septembre. j'emporte avec moi, pêle-mêle, de Cédric Gras: " L'hiver aux trousses" - voyage en Russie d'Extrême-Orient" ; de Tolkien : " Faërie et autres textes " ( et aussi une biographie de Tolkien ); de Patrice Franceschi : " Mourir pour Kobané "; et enfin, pour m'y replonger : de Karen Blixen: " La ferme africaine ".
Mais j'ai acquis aussi récemment: de Robert Benson: " Le Maître de laTerre - la Crise des derniers temps ". et l'énorme biographie du Père de Foucauld, par Pierre Sourisseau ( 720 pages. Une Somme ). Pour le centième anniversaire de son martyre, le 1er décembre prochain.