RAPPEL: Nous abordons aujourd'hui la 2° suite donnée à l'étude de la pensée politique au XVI° siècle, vue à travers le cours d' Histoire des idées Politiques à partir du XVI° siècle donné par le Professeur Lambert à l'Université d'Alger n 1954-55. Or, les premiers développements, édités le 26 Mai dernier, n'ont pas, pour cause inconnue de moi, fait l'objet d'une information auprès des abonnés à Maltalger. Il est donc rappelé qu'on pourra les trouver sur le blog lui-même, sous le titre : "UN PEU DE RECUL" sur "maltalger.over-blog.com". la 1ère suite, elle, a été diffusée normalement le 27 Mai.
On aborde ici les disciples Français de Calvin.
Théodore de Bèze est le plus connu. Il est aussi celui qui a poussé les raisonnements des Pères de la Réforme jusqu'au bout de leur logique, quitte à ce que sa dialectique le fasse tomber dans des discours contradictoires, qui ne peuvent se concilier que si l'on admet à la base le postulat selon lequel le Calvinisme est LA SEULE religion vraie.
En fait, Théodore de Bèze a été confronté successivement à deux évènements qui ont eu lieu en 1553 puis en 1572, qui l'ont amené à prendre 2 positions diamétralement opposées en s'appuyant sur deux facettes de sa croyance.
En 1553, Michel Servet, théologien, philosophe et médecin espagnol, qui vivait à Genève,considéré comme "déviant" par Calvin, avait été condamné à mort par ce dernier, et...brûlé vif. A la suite de ce drame qui secoua les consciences, parut sous la signature de de Bèze l'ouvrage : " Traité de l'autorité du Magistrat en punition des hérétiques, et la façon d'y procéder". L'auteur y étend au maximum le système de la THEOCRATIE CALVINISTE en approuvant, en matière religieuse, le recours au "BRAS SECULIER" ! Il y combat l'accusation portée contre les calvinistes de saper le Pouvoir, en montrant que le Droit divin exige que les Magistrats, gardiens de la vertu de leurs sujets et garants du maintien de l'orthodoxie, imposent au Bras Séculier lla peine capitale contre les "hérétiques opiniâtres". Et il en appelle aux grands Docteurs de la Réforme! Luther, Calvin, Mélancton...
Mais, en août 1572, en France, se produit le Massacre de la Saint-Barthélémy, à Paris, visant les Protestants. Dès 1573, De Bèze publie un nouveau Traité : " Du droit des Magsitrats sur leurs sujets". Et là, il passe d'une forme extrême de Théocratie à une théorie prèchant l'ANARCHIE ! Il y proclame que les Tables de la Loi sont du domaine d'un droit de Nature qui régit toute société humaine, et qui est soustrait au Pouvoir séculier...
Ce faisant, le Professeur Lambert précise que de Bèze ne semble pas se rendre compte qu'il reprend, pour le seul compte des Protestants, la théorie de toute la SCOLASTIQUE, développée par Saint-Thomas d'Aquin et ses disciples ! Ajoutant qu'une partie de ce raisonnement consistant à poser comme base doctrinale que Dieu a mis au fond de chaque âme un droit naturel, avait été sous certains angles reprise par la Scolastique à l'Antiquité païenne.
La conséquence de ce second Traité est que les fidèles ont le droit de s'opposer aux Magistrats ( entendons par là l'ensemble du Pouvoir séculier ) qui commandent des choses irreligieuses ou iniques.Et ces "Fidèles" se trouvent évidemment aussi parmi les "magistrats". Il y a donc des "Lois fondamentales" dans les Royaumes.
Et ce sont les "Sujets", réunis en "Etats généraux", qui sont les premiers à être chargés d'en contrôler le respect par le Souverain.. Et si eux-même ne sont pas d'"accord entre eux, c'est alors la "partie la plus saine " qui doit trancher....Voilà qui rappelle quelque peu le droit canon catholique concernant l'élection des Evèques, à la " Major et Sanior Pars" . De Bèze n'a fait que tronquer cette exigence, en en gardant que le "sanior" ( = la plus saine ). Pourquoi ? Parce qu'en France, les Protestants sont une minorité, donc pas question de faire état d'une "majorité " major ).
Professeur Lambert : " De Bèze fonde le salut du pays sur un élément aristocratique: c'est un élément constant des polémistes protestants".
Plus de 60 ans après ce cours, et à ce point de ce travail - qui n'est qu'à son début - je ne peux m'empêcher de noter que ces théories protestantes du XVI° siècle portent en germe ce que sera la fin du XVIII° siècle, notamment en France. Mais, ce socle pré-révolutionnaire est moins une pure " innovation " qu'un emprunt au Moyen-Âge, notamment à la Scolastique, "revisité" - je n'aime pas trop cette expression, mais aujourd'hui, elle " parle". Alors... - remodelé, "décapité aussi, par la disparition du Pouvoir ecclésiastique, surtout du Pouvoir apostolique, et par l'assujetissement du Pouvoir séculier royal, réduit à un rôle d'Exécuteur d'hérétiques ( enfin, de ceux qui sont jugés comme tels par les calvinistes ). Cela m'amène à renforcer ma conviction sur l'idolâtrie du vocable " Renaissance", qui règne quasiment sans partage aujourd'hui, du moins chez les "Officiels"pour parler de cette époque : les Réformes ne sont pas nées du Néant, mais ont utilisé des corps de doctine qui leur préexistaient, en les orientant différemmment ...Ce qui est tout autre chose.
François HOTMAN, auteur de la " Franco Gallia" en 1573, et Junius BRUTUS, auteur d'un brulôt : " VINDICÏAE CONTRA TYRANNOS " en 1579, sont connus sous le nom de MONARCHOMAQUES.
Le premier, disciple, qu'on peut qualifier de "modéré" de Calvin, prône une Monarchie tempérée, qui, si elle ne pas dans le sens des Etats qui durcissent leur Pouvoir, n'est que le rebond des monarchies médiévales, qui respectaient entre autres les Libertés locales. Cela ne préfigure-t-il pas, sous certains angles, Charles Maurras qui, dans sa quête du retour de la Royauté , évoquait une France " hérissée de libertés" ?
Brutus, lui, dont le nom qu'il s'est donné ou qu'on lui a donné, est déjà tout un programme. Son patronyme véritable est DUPLESSIS MORNET. Sur le plan théorique, il n'apporte pas gran,d chose de nouveau, notamment par rapport à Théodore de Bèze. Son traité est une sorte de Manuel pratique pourquoi et comment on peut déposer un tyran. Il va jusqu'à l'appel à l'insurrection violente et généralisée.
La conclusion à ce chapitre sur les grands mouvements de pensée politique au XVI° siècle est donnée par le Professeur Lambert, et elle est moins politique que religieuse :
"L'Autorité souveraine et monarchique apparaît partout comme une création seconde, considérée avec suspicion, comme un pis-aller. Mais ceci dit, c'est tout C'est une conséquence du Péché Originel. Et c'est un thème repris par tousles Canonsites "..